A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 10 Un accueil agréable

CHAPITRE 10 Un accueil agréable

 Indifférents à ce genre de préoccupations, don José et son cousin, pénètrent en trombe dans la cour du palais de don José. Le conquérant regarde autour de lui avec satisfaction.

- Mes ordres ont été bien suivis. Ca prend tournure.

- C'est bien ce palais -là que t'a légué don Alvaro ? demande Martin.

- Oui. Mon cher grand- père était tellement outré de la conduite de son fils envers Iñigo qu'il m'a donné ce palais « Celui- là au moins, ton père ne pourra pas en disposer pour son bâtard ! Et je vais te laisser aussi une rente pour l'entretenir». J'avais dix ans mais je m'en souviens encore. Et puis j'y ai installé ma nourrice et quelques serviteurs. J'ai envoyé un courrier de Séville. Tout doit être prêt.

A ce moment précis, une forte matrone paraît sur le seuil, tout sourires. Don José met pied à terre et s'approche vivement d'elle.

- Je suis content de te revoir, Teresa. Tu as l'air en pleine forme.

- Monseigneur est trop bon. J'espère qu'il sera satisfait de mes services.

- Laisse donc là les Monseigneur et donne-nous à boire. La gloire, ça donne soif.

- Veuillez passer au salon.

Don José ne s'est pas trompé : le vieux palais n'a rien perdu de son éclat et personne ne pourrait soupçonner que le maître en a été longtemps absent. Sur la table brillent verres et bouteilles et Teresa verse avec précaution le vin vermeil

- San-Martin de Valdeiglesias, précise-t- elle en tendant les verres.

- Mon préféré, s'exclame don José.

- Le meilleur d'Espagne, plaisante Teresa, vous avez toujours eu bon goût. Et voilà des mazapanes que j'ai faits spécialement pour les héros du jour.

- Tu seras toujours ma providence, Teresa, sourit don José en se servant généreusement.

La nourrice sourit et regarde autour d'elle.

- Je crois que vous ne manquez de rien. N'hésitez pas à m'appeler.

Sitôt qu'elle est retirée, Martin se tourne vers son cousin.

- Je ne savais pas que tu tolérais pareille familiarité.

don José prend le temps de finir son verre, fait claquer sa langue et réplique d'un ton léger.

- Rassure-toi, je ne la permets à personne d'autre. Mais, tu sais bien qu'elle m'a pratiquement élevée. Dieu merci, j'étais beaucoup plus dans ses jupes que dans celles de   Sol.

- Comme je te comprends, soupire Martin. Moi non plus je n'ai jamais pu supporter cette mauresque. Je n'ai jamais compris comment ton père avait pu l'épouser ni la reine Isabelle consentir à cette union.

- Ca, je m'en souviens ! C'est bien à cause d'elle que tu es parti aux Indes, non ? Si mes souvenirs sont bons, tu avais tenu à son sujet des propos qui ont tellement déplu à mon père qu'il t'a quasiment mis le couteau sous la gorge et menacé du pire si jamais tu recommençais.

Martin hoche la tête.

- Et tout ça parce que je voulais m'assurer de la constance de sa foi. Nous vivons une drôle d'époque où Dieu est bien délaissé...

- Heureusement que tu es là pour nous rappeler à nos devoirs, lance don José d'un ton badin.

Aussitôt il voit son cousin se raidir et préfère changer de sujet. 

- Mais toi, où vas-tu loger ? interroge-t- il

Martin hausse les épaules.

- Ma mère m'a laissé une demeure du côté de San Juan de la Penitencia. Malheureusement, depuis le temps, elle doit être en piteux état. Je n'ai personne pour l'entretenir, moi. Mais le temps de la remettre en état, je trouverai bien quelque couvent pour m'accueillir.

- Reste plutôt avec moi, tu seras bien mieux ici. Teresa est une cuisinière hors pair.

- Merci, rétorque sèchement Martin. Mais je ne m'attache guère à ce genre de frivolités. Pourvu que je puisse entendre la messe tous les jours et me soutenir d'un repas frugal en compagnie de saints moines, je n'en demande pas plus, surtout à Pâques.

Don José observe un instant son cousin et siffle doucement.

- Tu sais que je t'admire ? Nous avons trouvé la gloire et la fortune, nous avons été reçu par les rois et fêtés par toute la ville et tu ne penses qu'à te mortifier.

Le regard de Martin se fait brûlant.

- La seule gloire à laquelle j'aspire est de servir Dieu. Et si je suis heureux de cette fortune que Dieu nous a fait la grâce de trouver, c'est surtout pour pouvoir la mettre à Son service en faisant dire des messes et en évangélisant ces païens.

- A propos, lance don José, ne te trompe pas de couvent. J'ai réussi à coller tous les Indiens au même endroit afin qu'ils y attendent notre bon plaisir. Mais je doute que leur compagnie te réjouisse.

- Il est vrai que je les ai assez vus, surtout ce Pedro qui est si arrogant. Toujours à réclamer quelque chose, celui-là.

- Malheureusement, tu n'as pas fini de le voir. Je compte le garder à mon service afin de le dresser. Mais ne crains rien, j'aurai aussi soin de son âme. Tu ne veux toujours pas en garder un pour ton usage personnel ?

- Inutile. Je suis déjà chargé du salut de Millan et c'est une bien lourde tâche, crois moi.

- Alors pourquoi l'avoir pris à ton service ? Il fallait l'abandonner à son sort. Il était bien condamné à mort, non ?

- Oui, il avait tenté de cambrioler un marchand et, pris sur le fait, l'avait lardé de coups de couteau.

- Charmant personnage, déclare don José, et tu n'as pas peur de lui ?

- Peur ? relève Martin. Je n'ai peur de rien, sauf du jugement de Dieu. Et justement, quand je l'ai vu marcher à la potence, j'ai entendu la voix de Dieu qui m'ordonnait de le sauver. Je me suis interposé et après de longues discussions et une certaine somme d'argent, il faut bien le reconnaître, j'ai réussi à l'arracher à la mort.

- Cela explique qu'il te soit si dévoué !

- Encore heureux ! Je ne tolérerai pas l'ingratitude. Il sait qu'il me doit son salut terrestre et que je m'efforce de faire son salut éternel. Ce n'est pas tous les jours faciles, crois moi, et je suis obligé de le lui rappeler à la moindre défaillance. Mais puisque Dieu a voulu me charger de ce fardeau, je dois l'accepter de bonne grâce et en remercier Notre Seigneur.

- Amen. Tu restes au moins pour déjeuner ? Il est déjà tard et je doute que tu trouves tout de suite un couvent prêt à t'accueillir.

- Et bien soit, je crois que je vais profiter de ton hospitalité.

Le repas était succulent et don Martin se laisse aller à un doux contentement. Ce jour est à marquer d'une pierre blanche. Il se rengorge : le spectacle qu'ils ont offert était vraiment superbe ; les Tolédans n'ont pas boudé leur plaisir. C'est sûr, il fera date dans les annales. Un frisson d'orgueil lui parcourt délicieusement l'échine. 



17/12/2008
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