Un témoignage précieux
(automne 1528)
Le fripier attrape un paquet sur l’étagère.
Voilà, dona Ana, je vous rajoute cette cape.
Les pluies d’automne sont méchantes.
- Merci Pascual, Don Esteban en
aura surement l’usage ; .
- Qui donne aux pauvres prête à
Dieu, énonce doctement le fripier.
Une voix joyeuse retentit
alors :
- Tu as décidé de renouveler ta
garde robe ?
Ana reconnaît Manuel et sourit.
- Don Esteban m’a demande de
passer prendre un ballot de vêtements .
- Il est à court de
personnel ?
- Clara a entamé un grand
ménage et elle refuse que Faustino
touche au linge. J’étais à Santo Tomé quand elle lui a dit.
- Avec tout le calme dont elle
est capable, je suppose.
- C’est ce qui m’a décidée.
- Décision fort judicieuse
puisqu’elle me donne le plaisir de te voir.
- C’est vrai que nous ne nous
sommes pas beaucoup vus depuis ton retour d’Italie.
Le fripier croit bon alors
d’intervenir.
- Et qu'est-ce que tu
prends aujourd'hui , Manuel ?
- Je prends… mon temps. Le roi ne m’a toujours pas fait de pension.
Ana sourit.
- Tu n’as pas fait fortune en
Italie ?
- Oh mais si ! Tu ne vas
peut-être pas me croire mais j’étais reçu à la cour du pape et j’ai fréquenté
les plus grands artistes. Grâce à un ami, Benvenuto Cellini.
- L’orfèvre du pape ! Celui
qui a tué le Connétable de Bourbon ?
- Lui-même. Quoique je ne l’ai
pas vu faire. J’étais un peu occupé à défendre le palais Colonna contre les
troupes impériales.
- Un peu occupé ? relève
Ana, interloquée.
- Façon de parler. J’avais été embauché par Madame Isabelle
d’Este en personne, s’il te plaît, duchesse de son état. Elle était à Rome pour obtenir un chapeau de cardinal et elle a refusé de partir malgré les risques
. Et pourtant son fils l’en avait
supplié : il commandait des
troupes, il savait de quoi il parlait ! Je l’avais connue par des
relations communes , c’est une femme remarquable en tous points mais
terriblement entêtée. J’ai quand même réussi à la convaincre de barricader le
palais où elle résidait et nous nous
sommes préparés à résister au choc.
- Et alors ?
Le visage du jeune homme se
ferme.
- Je suis sur que le diable lui
même ne peut pas faire pire, déclare t
il d’une voix blanche. Et je n’en
parlerai pas devant une dame, fut elle fille de médecin et avertie des horreurs
du monde. Bref, nous avons réussi à quitter cet enfer et à rejoindre le
port d’Ostie. Enfin nous avons regagné Mantoue, avec un grand soulagement, je
le reconnais.
- Et pourquoi n’est tu pas resté à
Mantoue ? ette duchesse devait
t’être très reconnaissante.
- Très. Ce n’est pas une
ingrate. Mais à Mantoue, il y avait son fils et surtout l’amie de son fils, une
petite intrigante que je n’appréciais pas du tout. Sentiments réciproques
hélas. J’ai rapidement compris qu’il valait mieux pour tout le monde , et surtout pour moi, que je
m’ éloigne au plus vite. A Rome il y avait la peste et j’avais vu assez
d’abominations comme ça. J’ai fait un
tour à Venise : j’y ai retrouvé pas mal de rescapés du sac mais je commençais à avoir le mal du
pays. Alors je me suis embarqué.
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