A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 75 Un protecteur inattendu

CHAPITRE 75 Un protecteur inattendu

Domingo a décidé de prendre l’éducation de Pedro en mains ;

- Allez, demande Domingo, répète : Saint Antoine et...

- Son cochon, répond Pedro après une courte hésitation.

- Saint Roch...

- Et son chien, protège des maladies.

- De la peste, précise doctement Domingo. Saint Michel...

- patron des escrimeurs. Comme Manuel.

- C’est bien, déclare Domingo avec un sourire de maître d’école satisfait.

Même au milieu de la foule grouillante de la rue du Commerce, Domingo prend son rôle de précepteur très au sérieux. Enfin, il s’arrête devant une petite échoppe.

- Tiens, c’est là. Isabel m’a demandé de lui rapporter des soies de couleur et des épingles.

Ils sortent à peine de la boutique quand ils entendent une voix railleuse :

- Tu comptes t’installer comme brodeuse ?

Précédant Don José, Ramon, une main sur les hanches, les toise avec insolence.

- A condition que tu m’apprennes le métier !

Le sourire de Ramon se fige.

- Tu me prends pour qui ? rage –-t- il

- Tu tiens vraiment à le savoir ?

Indifférent à l’algarade, Don José abaisse un regard méprisant sur les jeunes gens, fronce le sourcil et lance :

- Dégagez, et vite !

Mais Domingo ne bouge pas d’un pouce.

- Tu as entendu monseigneur ? Faites place ! gronde Ramon.

- Et comment comptez-vous y prendre ? raille Domingo en montrant la foule compacte.

- Comme ça !

Ramon fait claquer son fouet plusieurs fois. Apeurés, les passants s’écartent. Malgré lui, Pedro a fermé les yeux et reculé de deux pas. Il trébuche et tombe de tout son long. Don José éclate d’un rire sonore, aussitôt imité par Ramon.

- Ca te rappelle de bons souvenirs, à ce que je vois, lance le conquérant. Alors, attention, à la moindre incartade, Ramon te dressera le poil !

- Vous n’avez pas le droit ! proteste Domingo. Il est à Ana maintenant !

- J’ai tous les droits !

Don José n’a pas terminé sa phrase quand une voix grave retentit, une voix qui le fait tressaillir de la nuque aux talons.

- La force n’est pas le droit, monsieur. Et la violence encore moins.  Sauf chez les lâches.

A quelques pas de lui, très droit, formidable, Don Alejandro le fixe sans aménité.

- Il va sans dire que vous ne sauriez disposer de ce que vous avez donné.

Blême, Don José soutient un moment le regard brûlant puis ravale sa rage et salue son père. Le marquis ne cille même pas et poursuit, impitoyable.

- L’honneur vous le défend. Mais savez-vous encore le sens de ce mot ?

La voix est glaciale et Don José n’ose même pas regarder son terrible père.

- Ce garçon a déjà eu le malheur insigne de tomber entre vos mains. Bénissons le ciel qu’il vous ait échappé !

Don Alejandro adresse alors un léger sourire à Domingo qui aide Pedro à se relever.  Don Alejandro   revient alors à son fils, de plus en plus livide.

- Quant à vous, monsieur, veillez à ce qu’il ne lui arrive rien. Je ne saurai le supporter.

Comme on plante un clou d’or dans une porte épaisse, Don Alejandro décoche à son fils un dernier regard écrasant de mépris, presse à peine le flanc de son cheval et s’éloigne, impérial, laissant derrière lui une assistance médusée. Tous le suivent du regard jusqu’à ce qu’il ait disparu ; enfin, le regard encore ébloui, ils se retournent vers Don José qui peine à se ressaisir, hébété, sidéré, stupide. Quelqu'un lance :

- C’est beau l’autorité !

Aussitôt la tension se décharge en un immense éclat de rire. Hilares, les témoins de la scène se tapent sur l’épaule, sur les cuisses, secoués d’un rire inextinguible. Furieux, le conquérant de essaie de prendre un air digne et s’éloigne rapidement, poursuivi par les huées et les quolibets.

Ravi, Domingo se tourne alors vers Pedro.

- Celui là, il a fini de t’embêter !

- Tu crois ? interroge l’indien, incrédule.

- Sûr ! Il a une trouille bleue de son père. Et comme Don Alejandro était dans une colère noire...Ce cher Don José ne va pas se risquer à lui désobéir.

Pedro fait la moue.

- Il a l’habitude des coups en douce.

- Peut-être mais là, c’est plus possible. Si tu butes seulement sur une pierre, il se trouvera quelqu'un pour en avertir Don Alejandro.  Personne ne voudrait rater une occasion de lui faire des ennuis, à ce malfaisant. Il ne te touchera plus. 

L’indien pousse un profond soupir de soulagement et sourit. Aussitôt la foule éclate en applaudissements nourris et c’est sous les ovations que les jeunes gens prennent le chemin du retour.



30/03/2009
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