A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 62 L’attaque

CHAPITRE 62 L’attaque

Ana se dépêche de rentrer. Le bijoutier a enfin réparé le magnifique collier or et saphir qu’ele tient de samère et elle le rapporte chez elle. Pour une fois, elle est heureuse que Pedro l'accompagne. Absent pour une semaine, Don José lui a fait cet étrange cadeau. Elle presse le pas : il fait très chaud et la rue est déserte. Tout à coup elle sursaute. A l'autre bout de la rue, se tient un homme à la mine patibulaire, jambes écartées, bras croisés, visiblement peu disposé à laisser le passage. Inquiète, elle fouille du regard les ruelles adjacentes : mais toutes sont barrées de la même manière. L'embuscade est bien préparée. Instinctivement, elle se rapproche de Pedro qui a déjà la main sur son poignard. Ah ! Ce poignard qui a tant fait hurler Isabel, il lui semble tout d'un coup bien dérisoire. Un, deux, trois, quatre contre deux. Enfin deux ... Par précaution, elle a pris aussi un poignard mais son expérience en ce domaine reste limitée et les circonstances sont très différentes. Pedro se met vivement devant elle, arme au poing. Les brigands éclatent de rire. 

- Non mais regarde moi ça. Amadis défendant Oriane aurait-il plus d'audace !

- Laissez nous passer.

- Mais comment donc, répond l'un des bandits en s'inclinant de façon bouffonne, faites, je vous en prie.

 Les jeunes gens avancent d'un pas.

- Loin de nous l'idée de vous barrer le passage. Mais tout augmente et il faut nous payer tribut.

- Tribut ? interroge Pedro

- Droit de passage, si vous préférez.

- Nous n'avons rien à vous donner.

- Allons donc. Vous sortez de chez le meilleur orfèvre de la ville. Vous n'y étiez pas seulement pour lui demander des nouvelles de sa dernière-née ! Une enfant charmante d'ailleurs ...

- Et alors ?

- Alors, nous voulons ce collier.

- Sinon ?

- Sinon ... vos parents porteront le deuil.

 Ana écoute l'effroyable conversation, muette de peur. 

- Et vous nous laisserez partir ? 

- Parole de gentilhomme !

 Pedro fait la moue.

- Tu n'as pas confiance en nous ?

- Absolument pas !

- Tu as raison ! hurle l'un des bandits en se précipitant vers lui. 

 Pedro crie 

- Dos au mur !

 Le ton est sans réplique et Ana obéit aussitôt.  La bataille s'engage.  Les bandits sont des adversaires redoutables mais Pedro est déchaîné : souple comme une anguille, il esquive les coups, se baisse, se retourne.  Si les deux hommes croyaient venir rapidement à bout d’un simple sauvage, ils doivent rapidement déchanter et jeter toutes leurs forces dans la bagarre.Ana n'est pas en reste. Ses crocs-en-jambe déséquilibrent le dernier brigand qui tombe lourdement et s'assomme sur les pierres. En voyant cela, le dernier prend la fuite et court encore. Pedro lâche son poignard et soutient son bras blessé. Ana s'approche. Il fulmine.

- Je t'avais dit de -t-'éloigner. Il aurait pu t'arriver malheur. 

 Elle rougit et se trouble comme une enfant prise en faute.

- Je ... je voulais t'aider.

 Il hausse les épaules. Mais ce simple mouvement lui arrache une grimace. Aussitôt elle enlève son châle et lui installe le bras en écharpe.

- Tu as déjà perdu beaucoup de sang. Inutile de transformer une victoire en désastre.

 Il la laisse faire sans rien dire, trop épuisé pour protester.

- Appuie-toi sur moi. Nous ne sommes pas loin de la maison.

 Précautionneusement, elle l'aide à passer son bras valide autour se son cou à elle. Ils arrivent à petits pas à la maison. Ils sont tous deux couverts de sang. Isabel va se mettre à crier mais Ana lui ferme la bouche.

- Plus tard, les cris et les reproches. Pedro est blessé.

- Et toi ?

- Moi ? Je suis saine et sauve. Grâce à lui. Il y a de l'eau bouillie ?

- Oui, pour le repas. Je ...

- Laisse le repas. Et va me chercher des linges propres.

 Domingo aussi est arrivé. D'un coup d'oeil, il a compris la situation et débarrasse la table. Ana aide Pedro à s'asseoir sur un tabouret, adossé au mur. Puis elle fouille dans ses étagères et attrape plusieurs pots. Pedro la regarde agir. Ses gestes sont précis, mesurés, manifestement le fruit d'une longue habitude. Elle a mis une potion sur le feu et prépare une sorte de pommade. Un instant, il croit revoir sa soeur, médecin elle aussi. Elle l'a soigné bien des fois en maugréant, comme Ana. Il sourit. Ana apporte une cuvette pleine d'eau chaude et des linges. Elle commence à nettoyer la plaie avec des gestes très doux, presque maternels.

- Je vais peut-être te faire un peu mal. N'hésite pas à me le dire.

- Ca va.

 Elle reste grave.

- Je ne t'ai même pas remercié.

- Remercié, pourquoi ? J'étais là pour te protéger.

- Inutile de faire le modeste. Tu as été très courageux. J'avais si peur !

- Que je ne sache pas me battre ?

- Oh non !

 La réponse est tellement sincère que l'indien, inquiet de sa propre audace, sourit.

- Pourtant, je ne pense pas que Don José t’ait tant vanté mon courage.

 Elle sourit à son tour.

- Tu sais, les conquérants sont tous les mêmes. Ils ont tendance à enjoliver les événements et à se donner le beau rôle. Il y a toujours à boire et à manger.

 Il sourit derechef, amusé par l'expression.

- Et puis, je sais à quoi m'en tenir. J'ai vu le señor Gelmirez et il m'a parlé de cette histoire de pain volé.

 Elle le sent se raidir.

- Tu sais cela ? Et tu ne me prends pas pour un voleur ?

- Un voleur ? Certainement pas. Fou peut-être, assez fou pour vouloir souffrir à la place d'un autre.

 Il se détend.

- Tu ne comprends pas. Même souffrant, même déchiré, même mourant, j'étais encore leur chef.

 Elle suspend ses gestes, admirative. La plaie est bien propre et elle étale l'onguent.

-  Cela t'étonne ?

- Tu sais, je suis fille de médecin. Alors, il n'y a plus grand chose qui m'étonne. Mais tout de même... le dévouement, le sens du devoir, soit. Mais de là à passer aux actes.

 Il soupire.

- Il le fallait bien. le monde était devenu absurde. Pour mes compagnons, j'étais le dernier repère, le dernier recours. Si moi aussi, je m'étais effondré, que leur serait-il resté ?

 Maintenant, elle s'applique à bien installer le pansement. Elle reste un instant silencieuse. Puis elle lève vers lui son regard d'eau vive.

- Mais alors, le départ de tes compagnons a dû être un coup terrible ?

 Il détourne les yeux. Elle se penche attentivement sur le bandage. Au bout d'un moment, il répond d'une voix rauque

- Terrible.

 Visiblement il ne veut pas en dire plus et elle n'insiste pas.

- Voilà, c'est terminé. As-tu d'autres blessures ?

- Presque rien. ça va aller.

- Je vais au moins les désinfecter. On ne sait jamais. Mais il faudra que tu aies le bras en écharpe pendant plusieurs jours. Au moins jusqu'au retour de Don José. Évidemment, il vaut mieux éviter les efforts jusqu'à ce que tes forces soient revenues. Tiens, bois cela. cela empêchera l'infection et te redonnera des forces.

 Il tente de se lever mais la tête lui tourne et il doit se rasseoir précipitamment. Ana, qui est allée jeter l'eau rougie, se récrie.

- Pas question que tu te lèves seul avant d'avoir mangé. D’ailleurs, tu manges avec nous. Tu verras, Carmen est une excellente cuisinière.

- Mais ...

- Mais quoi ? Tu as peur de nous déranger, peut-être ?

 Elle se met à rire.

- Le nombre de fois où nous avons ajouté des assiettes ! Ca n'a jamais posé problème. Et puis, tu ne tiens pas sur tes jambes.

 Sur ce point au moins, il ne peut la contredire.  La première surprise passée, le repas est très gai et il se surprit plusieurs fois à rire aux facéties de Domingo



18/03/2009
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