A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 59 Des vacances bienvenues

CHAPITRE 59 Des vacances bienvenues

 

Juin tirait à sa fin et l’université tournait au ralenti.  Passé la Saint Jean , de nombreux étudiants en profitent pour rentrer chez eux   et Placido décide de retourner à Tolède.

Matteo lui aussi, fait ses derniers préparatifs mais avec beaucoup moins d’enthousiasme.

- Tu vas me manquer, avoue -t- il.  L’été vont me sembler terriblement long.

- Pourquoi ne viendrais tu pas me voir à Tolède ? Tout le monde t’indiquera Santo Tomé.

- Je ne vous  dérangerai pas ? demande le jeune homme , tout joyeux.

- Pas du tout , à condition que tu ne poses pas ce genre de questions idiotes. Ca a le don de mettre mon père en fureur.

Matteo se met à rire, heureux.

- D’accord. Je ne dis pas que je ne passerais pas.

- Arrête les litotes et promets moi de venir. Salue bien ta famille de ma part.

- Je viendrai, promis. Toi aussi, embrasse ton père pour moi et dis lui que ses lettres me font un bien fou.

- Il en sera ravi.

Après une forte accolade, les deux jeunes gens se séparent et reprennent chacun le chemin du retour.  En apercevant le pont d’Alcantara   , Placido sent son cœur bondir dans sa poitrine. Tolède, enfin !  Il gravit la côte escarpée sans s’en apercevoir et s’engage avec joie sur le Zocodover. Soudain, un cri le fait sursauter.

- Placido !

Aussitôt Clara est auprès de lui et lui saute au cou.

- C’est Don Esteban qui va être content. Viens vite.

 Peu de temps après, Placido est dans les bras de son père qui l’étreint passionnément.   Les premières effusions passées, les trois amis grignotent des mazapanes en sirotant du vin doux ;

- Maintenant, réclame Clara, raconte nous tout. Et dis nous la vérité, surtout.

Placido prend un air faussement offensé.

- Insinuerais -tu que je puisse mentir ?

- Je n’insinue rien. Je constate. Si tu t’imagines qu’on s’est laissé prendre à tes fables !

Placido secoue la tête.

- Bon d’accord. Les débuts ont été un peu plus difficiles que je ne vous l’ai écrit.  Mais tout est arrangé maintenant.
Clara se fait grave.

-  Tu as eu faim ?

- Oui. Faim et froid. Mais je suppose que Dieu voulait m’éprouver.  Et puis en compagnie du Poverello, je ne pouvais pas faiblir.

- Raconte.

Toute frémissante en écoutant le récit du jeune homme, Clara lance des coups d’oeil furieux à Don Esteban qui n’est pas moins indigné.

- Décidément, la méchanceté des hommes m’étonnera toujours , soupire -t- il . Enfin, on dit que la faim est l’acier qui trempe les coeurs purs.

- C’est possible, padre mais, croyez moi, il faut avoir le cœur drôlement pur pour résister à toutes les tentations de Salamanque. Et ce n’est même pas le manque d’argent qui nous rend vertueux. Malheureusement ou heureusement, au choix, ce ne sont pas les expédients qui manquent. Non, le plus grand auxiliaire de la vertu, c’est le froid. Personne ne traîne dehors quand la nuit tombe à cinq heures.

- Pourtant je me suis laissé dire que les étudiants sont comme Minerve, plaisante Don Esteban, pleins de sagesse mais vivant la nuit.

- Vraiment ? s’étonne Clara. Raconte.

Placido lance un regard gêné à Don Esteban qui sourit.

- Qu'est-ce que tu crois ? lance la jeune fille. Avec tout ce que je vois défiler ici, je n’ai plus grand-chose à apprendre sur les turpitudes des hommes. Il n’y a pas qu’à Salamanque qu’on trouve des putains, des escrocs et des ivrognes !

- Le vin, le jeu et le bordel, plaisante Placido, que voilà un bon résumé de la vie estudiantine. Ca me rappelle la sérénade que je donnai à de belles dames.

- Tu es un impudent coquin ! s’insurge Clara.

- Je croyais que tu n’avais plus rien à apprendre des turpitudes humaines ?

Boudeuse, Clara lui lance un regard noir.

-  Si je devais te raconter tous les tours des étudiants pour manger ou se jouer de la police, ma langue se dessécherait et tomberait à tes pieds. Mais soit, je vais satisfaire ta curiosité. Un jour on m’a servi un vin tellement mauvais qu’un seul mot m’est venu à l’esprit.

- Et lequel ?

- Seigneur, si c’est possible, écarte de moi ce calice d’amertume ! Tu le veux en latin ?

Don Esteban éclate de rire, imité par Clara.

- Tu es pardonné. Mais si j’avais su que tu avais faim, je t’aurai envoyé davantage de pâtés.

- C’est vrai que je les attendais avec impatience. Quand les muletiers arrivent, le mardi et le samedi, c’est une vraie cohue. Tout le monde se précipite sur le courrier et la seule chose qu’on regarde, c’est s’il y a de l’argent ou des provisions. Et là, on entend bénédictions et malédictions, suivant les cas. C’est la faim éternelle des étudiants. Et puis tout le monde brûle ses lettres.

- C’est bien la peine de se fatiguer à écrire !

- Heureusement, conclut Placido, désormais tout est arrangé et je peux même aider les autres. Tenez, padre. Pour vos pauvres.

Don Esteban saisit la bourse que lui tend son fils et demeure stupéfait.

- J’avais confiance en ton courage mais là tu m’épates.

- Et les cours ? demande Clara

- Tout va bien, je trouve même cela plutôt facile.

Il savoure pleinement le regard admiratif de Clara. Quant à Don Esteban, il arbore un tel sourire que Placido s’en trouve illuminé.

- Je suis fier de toi, mon fils. Fier mais pas étonné. Tout ce que tu fais est bien fait.

- Et ton ami Matteo ? 

- Il est reparti chez lui à Burgos. Mais il va peut-être passer ici cet été. Je crains fort qu’il ne soit pas très bien reçu chez lui.  Son père l’a toujours considéré comme un imbécile.

- Quelle tristesse !  soupire Clara. Qu'est-ce qu’il fait, son père ?

- Il est huissier de justice.

- Sale race, siffle Don Esteban entre haut et bas.

- Je crois bien que vous avez raison, padre. Enfin, si vous le voyez débarquer, vous saurez pourquoi.

Une quinzaine de jours plus tard, Don Esteban est en train de lire son bréviaire sous le porche de l’église quand il voit arriver un jeune homme à cheval, la mine avenante et visiblement joyeux.

- Don Esteban ? demande-t- il en soulevant son chapeau.

- Laisse-moi deviner. Tu es Matteo, n’est-ce pas ?

- Pour vous servir, padre, acquiesce le jeune homme en descendant de cheval.  Placido m’avait proposé de passer le voir. Et comme j’ai du temps libre, j’ai décidé d’en profiter.

- Tu as très bien fait. Je suis ravi qu’il ait de la compagnie. J’ai toujours peur qu’il s’ennuie.

- Avec vous ça m’étonnerait !

Le sourire de Don Esteban s’accentue.

- Allons au presbytère. Il y est justement.

Quand Placido aperçoit son ami en haut du raidillon qui mène au presbytère, il se précipite à sa rencontre et se jette à son cou.

- Quelle bonne idée ! Tu restes quelques jours j’espère ?

Matteo se trouble.

- Je ne sais pas. Je pensais seulement te dire bonjour, je ne voudrais pas m’imposer...

- Allons donc, proteste Don Esteban, tu peux bien rester aussi longtemps que tu voudras. D’abord pour nous faire plaisir et ensuite parce que nous n’avons jamais assez de bras.

- Méfie-toi, Matteo, mon père va t’embaucher à la bonne marche de l’église. Tu ne vas plus avoir une minute à toi !

- Je ne demande pas mieux !

- Paroles imprudentes, mon fils et qui peuvent te mener loin, déclare le prêtre en fronçant les sourcils.

- Je l’installe dans ma chambre, padre ? interroge Placido.

- A moins qu’il ne préfère une chambre particulière. Il y a celle du premier étage, à côté de la tienne. Clara y mettra des draps propres ce soir.

- Je peux très bien dormir avec Placido, proteste Matteo.

- Comme tu veux. Clara fera quand même la chambre, à tout hasard. S’il nous arrive quelqu’un.

- Tu as des affaires ?

- Sur le cheval.

Peu de temps après, Matteo s’est installé et les jeunes gens discutent.

- Tu n’es pas resté longtemps chez toi, constate Placido. Pourtant ils ont dû bien t’accueillir, puisque tu es reçu.

    Matteo hausse les épaules.

- Tu parles ! Mon père trouve que, puisqu’il paie, c’est la moindre des choses. C’est à peine s’ils m’ont félicité. J’ai aussi revu mes amis. Mais on n’a plus grand chose à se dire.

- Je vois.

- Et puis j’en avais assez d’entendre mon frère et mon père se vanter de la manière dont ils faisaient déguerpir les pauvres récalcitrants. Avant je ne connaissais pas autre chose, je supportais. Mais maintenant ...

- Maintenant je t’ai perverti !

- Tu ne crois pas si bien dire, poursuit Matteo. Cet été, chez moi, la place était noire de monde : on pendait un petit voleur. Il était déjà sur les marches de l’escalier et il pleurait à chaudes larmes : la honte de sa famille, son sort misérable, la brièveté de sa vie… Malgré tout, j’étais plutôt remué : il avait à peu prés notre âge. Pas très loin de moi, il y avait une veuve avec ses voiles noirs, respectable et tout. Mais l’œil et le cœur secs, je ne ta dis que ça. « Cela doit être et c’est son destin, patience. Nul ne peut échapper à son étoile. » Tu vois le genre. Je suis sûr qu’elle se délectait du spectacle ; Elle a répété son petit discours deux ou trois fois ; A la troisième, je n’ai pas pu me retenir et je lui ai collé une bonne gifle et j’ai ajouté « Ne t’afflige pas, ne pleure pas, prend patience car cela doit être et personne n’échappe à son destin ».

Ils éclatent de rire.  La nuit tombe et ils redescendent dans la salle à manger où Clara vient d’arriver. Elle s’incline gracieusement devant le nouvel arrivant.

- C’est donc toi, Matteo. Placido m’a tellement parlé de toi !

- En bien j’espère ?

- Bien sûr !

- Je suppose que tu es Clara ?

La jeune fille hoche la tête.

- Placido t’a parlé de moi ?

- Tant et tant que j’ai l’impression de te connaître. C’est bien toi qui fais des pâtés si succulents et des chemises si élégantes ? L’un et l’autre ont eu beaucoup de succès. Je peux t’assurer qu’aux fêtes de   Pâques, personne n’avait de plus belle chemise.

Clara rosit de plaisir et son sourire devient éclatant.

- A tel point, poursuit Matteo, que j’ai pensé qu’une pareille couturière   méritait bien une petite récompense.

Clara le regarde avec de grands yeux étonnés tandis qu’il sort un petit paquet de sa poche et le tend à la jeune fille.  Celle ci, éberluée, hésite un instant puis le saisit, l’ouvre fébrilement et reste bouche bée : c’est un petit nécessaire de couture en argent et ivoire sculpté.

- Je... ne ... n’ai jamais rien vu de si beau.

- Je ne savais pas quoi prendre, déclare Matteo en rougissant un peu. Je suis content qu’il te plaise.

Clara secoue la tête, radieuse.

- C’est magnifique !

Et avant que Matteo ait le temps de comprendre ce qui lui arrive, elle plaque deux bisous sonores sur les joues du jeune homme.  Puis elle court à l’église et se précipite   vers Don Esteban, suivie des jeunes gens.

- Regardez, padre, ce que Matteo m’a offert.

- C’est superbe, j’espère que tu l’as remercié.

- Au de là de toute expression, padre, assure Placido, amusé.

- Je ne pouvais pas faire autrement. La croix que vous m’avez envoyée ne me quitte plus, déclare Matteo en tirant la croix de bois de sous sa chemise.

- Je souhaite seulement qu’elle te porte chance.

- C’est déjà fait puisque je suis ici, répond simplement le jeune homme. Mais j’ai aussi quelque chose pour vous.

Intrigué, Don Esteban saisit la bourse rebondie que lui tend Matteo.

- Mais c’est une somme énorme, se récrie le prêtre.

- Je suis sur que vous saurez en faire bon usage ; et puis je ne voulais pas arriver les mains vides.

- Si c’est pour mes pauvres, j’accepte de grand cœur. Mais si c’est pour payer ta pension, je t’arrache les yeux !

Tous éclatent de rire. Matteo jette des regards intrigués autour de lui

- Vous préparez une fête, padre ?

- Comme D’habitude.  Et je te jure que je n’ai pas trop de temps ! On me réclame de toutes parts et je n’ai pas seulement pu faire la liste de mes besoins.

- Et si on s’en occupait ? propose Placido. Ca te déchargerait un peu.

- Ca c’est une bonne idée, approuve Matteo.

- Fais ce que tu as à faire, on s’occupe de tout, insiste Placido.

- Mais tu es en vacances, mon petit. Et puis tu ne sais pas vraiment de quoi il retourne. Tu vas te compliquer la vie, proteste Don Esteban

- Comment, je ne sais pas ? Ce n’est pas la même fête que l’année dernière et celle d’avant ?  Je vous ai aidés à chaque fois, non ? Et puis Clara doit être au courant.

- Bien sûr mais...

- A moins que tu n’aies pas confiance en moi ?

- Ne dis pas n’importe quoi. Je pensais seulement que tu avais besoin de repos après une telle année.

- C’est ça, je vais me reposer pendant que tu trimes comme un forcené !  Riche idée en vérité ! C’est dit ; on s’en occupe.

Aussitôt dit aussitôt fait. Installés dans la sacristie, les jeunes gens déployèrent une énergie peu commune et la fête fut un grand succès. Pour l’occasion, Matteo montra même de réels talents d’organisateur qui provoquèrent l’admiration de Don Esteban et de son ami.

-    Je ne te savais pas ces talents, Matteo, déclare Placido.

- A vrai dire, moi non plus. Je n’avais jamais eu l’occasion d’organiser de telles réjouissances, à vrai dire.

 - En tout cas, vous m’avez retiré une belle épine du pied, mes enfants. Félicitations. Je suis fier de vous. Si je veux organiser une autre fête, Matteo, je n’hésiterai pas à faire appel à tes services.

- Merci, padre, répond le jeune homme en rosissant de plaisir.

Un temps

- Dis-moi, Matteo, que comptes-tu faire une fois que tu auras tes diplômes ? interroge Don Esteban

Le jeune homme fait la moue.

- Ma foi, je n’en sais rien. Je suppose que mon père voudra que je gère ses affaires mais cela ne me tente guère... Enfin j’ai encore environ trois ans      devant moi. J’ai le temps d’y penser.

- Justement, dit Don Esteban

- Quoi, justement ?

- Voilà. Dans trois ans, un de mes paroissiens va me léguer une grande maison qu’il a du côté de sainte Ursule. Et j’ai l’intention d’en faire une maison de secours, un refuge pour les filles mères. Seulement, il faudra tout organiser, tout mettre sur pied à partir de rien et j’aurai besoin d’un bon administrateur. Est-ce que la place te tenterait ?

Sous le coup, Matteo, les yeux ronds, ouvre deux ou trois fois la bouche et fixe le prêtre, incrédule. Celui ci croit bon de préciser.

- Je sais. Ce n’est pas un emploi très reluisant. Et je ne te garantis pas une paie royale. Mais il faudra gérer la maison et aussi les revenus qu’il va me laisser pour la faire tourner. J’avoue que si je sais très bien allouer des fonds à qui en a besoin, je ne suis pas un très bon gestionnaire et j’aurai grand besoin qu’on me soulage.  Et puis, dans une telle maison, il faut un administrateur à plein temps. Quelqu’un qui connaisse son affaire et qui ne fasse que ça. Il me faut un homme de confiance.

- Et vous avez pensé à moi ? articule le jeune homme d’une voix rauque.

- Ma foi, tu as toutes les qualités requises, non ? Je ne parle pas de tes compétences universitaires. Dans ce domaine, je suis tranquille. Mais tu comprends c’est un travail un peu spécial.  Il ne me faut pas seulement un bon gestionnaire au fait des lois et des procédures.  Il me faut aussi un homme de cœur capable de comprendre les situations les plus difficiles et les détresses les plus criantes. Bref, quelqu’un comme toi.

- Méfie-toi, père, plaisante Placido pour cacher son émotion, tu vas le faire pleurer comme un bébé.

En effet, au bord des larmes, Matteo fixe le prêtre avec un petit sourire fragile.

- Et si je n’ai pas mes diplômes ?

- Tu les auras. Alors, c’est oui ?

Ebloui par tant de confiance, Matteo s’essuie les yeux d’un revers de manche et hoche vivement la tête.

- Je crois que ça veut dire oui, conclut Placido

A ce moment précis, on frappe à la porte des coups précipités.

- Qui cela peut- il bien être ?  s’étonne Matteo, il est minuit passé.

- Comme si les paroissiens   de Santo Tomé avaient la moindre notion de l’heure ! soupire Placido en allant ouvrir. C’est une jeune femme d’une vingtaine d’années, pâle et décoiffée, la chemise en lambeaux, le visage tuméfié. Don Esteban se précipite.

-   Damiata ! Qu'est-ce qu’il se passe ? Ton mari t’a encore frappée ?

Pour toute réponse, la jeune femme éclate en sanglots. Don Esteban la prend dans ses bras et la fait asseoir.

- Je lui avais pourtant dit qu’il lui en cuirait s’il recommençait à te fouetter jusqu' au sang, comme d’habitude.

- Oh il vous  a écouté, padre ! Cette fois il a bien dosé pour que ça ne saigne pas. Il connait son affaire, allez. Je n’ai pas une trace.

- Ce n’est pas ça qui empêche la douleur, déclare Placido d’une voix sourde.

Don Esteban lui jette un regard pénétrant.

- Tiens, tu sais, cela, toi ?

Placido se trouble, change de couleur deux ou trois fois et bafouille.

- Enfin, je suppose...

- Evidemment.

Matteo juge bon d’intervenir.

- Vous voulez une pommade de ma grand mère, padre ? Elle a fait ses preuves.

- Pourquoi pas ? Au passage, prends donc une chemise de femme dans l’armoire.

Le jeune homme se précipite et revient aussitôt avec la pommade et la chemise demandées.



17/03/2009
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