A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 47 Tel est pris qui croyait prendre (ex une question de mémoire)

CHAPITRE 47 Tel est pris qui croyait prendre (ex Une question de mémoire)

Beltran et Domingo discutent gaiement en flânant sous les peupliers de la place Saint Martin.

- Je t'assure que je n'ai jamais vu d'attaque aussi bien concertée, déclare Beltran. Même grand père, avec toute sa science militaire, ne ferait pas mieux.

- Je sais. Elvira est  déjà   venue voir Ana . Elle est très convaincante.

- Si tu les entendais à la maison : entre grand père qui rappelle sa promesse à papa et grand mère qui lui fait les yeux doux, je veux bien être pendu si Elvira ne va pas au bal dans les trois mois qui viennent...

- Alors tu n'as pas fini d'entendre parler chiffons. Là, tu comprendras le sens du mot  « bouleversement ». Tu as déjà vu une ruche en folie ?

Mais Beltran s'est immobilisé.

- A propos de chiffons, lance- t- il, regarde un peu qui vient par là.

Domingo suit son regard et tressaille : Don José, vêtu de neuf - un peu trop neuf - et accompagné de Ramon et de Pedro, sort d'une maison en faisant mille saluts à ses hôtes.

- C'est fou ce qu'il a d'amis depuis qu'il est rentré cousu d'or, siffle Domingo entre ses dents.

- D'accord mais comme dirait grand- mère « Âne paré ne cesse pas de braire »

Ils sourient, complices.

- Celui que je plains le plus, soupire Beltran, c'est cet indien. Regarde un peu comme il l'a attifé. Ca lui va aussi mal que possible.

- Rouge et noir, déclare Domingo. Les couleurs du diable.

- Tu remarqueras que Ramon les porte très bien, lui.

Ayant fini ses courbettes, Don José se redresse et jette un regard satisfait autour de lui. Ses yeux s'arrêtent à peine sur les jeunes gens.

- Tant mieux s'il ne me voit pas, murmure Beltran, ça m'évitera d'avoir à le saluer.

Pendant que Ramon lisse avec soin le col de dentelle et la cape de son maître, Pedro s'est approché du cheval et le détache. L'animal secoue la tête et l'indien a un mouvement de recul : visiblement, il n'est pas très rassuré.  Il saisit la longe, jette un regard méfiant au cheval et l'amène à petits pas à Don José. Mais l'animal ne bronche même pas. Don José claque des doigts pour réclamer son cheval. Pedro s'approche docilement, les yeux baissés. Don José ajuste ses gants et se met en selle quand soudain le cheval se cabre et manque désarçonner le cavalier furieux.  Beltran sursaute et fixe Ramon.

- J'ai bien vu, Domingo ? Ce geste de Ramon, c'était bien pour exciter le cheval ?

- C'est ce que j'ai vu moi aussi. Mais pourquoi ?

Des éclats de voix leur apportent aussitôt la réponse. De son cheval à peine calmé, Don José cravache furieusement Pedro qui se protège de son mieux.

- Misérable, imbécile ! Tu l'as fait exprès, avoue ! Tu l'as fait exprès ! Je vais te faire passer le goût de malfaire, sauvage !

Un regard et les jeunes gens se précipitent. La colère de Don José ne faiblit pas et les coups pleuvent.

- Attends un peu que nous soyons rentrés ! Ramon va t'arranger de belle manière et dans quelques jours, quand tu mourras de faim et de soif, c'est à genoux que tu me demanderas pardon !  A genoux ! Si tu en as la force !

- Vous n'avez pas honte de frapper un homme sans défense ? gronde Beltran en s'interposant.

Stupéfait, Don José cesse de frapper et fixe l'insolent.

- Vous n'avez donc pas d'honneur ? poursuit le jeune homme

Don José éclate d'un rire mauvais.

- D'honneur ? Quel mot étrange dans ta bouche, Beltran ! Que peux tu savoir de l'honneur ? Ta simple existence déshonore notre nom !

- Pas plus que votre attitude ! C'est celle d'un soudard et non d'un gentilhomme !

- Je n'ai pas de leçons à recevoir d'un fils de ...

- Oui ? coupe Beltran

Le regard est brûlant et Don José se mord les lèvres. L'image de son redoutable père s'impose à lui et il ravale les injures prêtes à fuser.

- Fiche-moi la paix, sale gosse, je n'ai rien à te dire. Et pas de temps à perdre.

- Dans ce cas, inutile de vous tromper de coupable ! rétorque Beltran

Don José éclate d'un rire sonore.

- Me tromper de coupable ! Elle est bien bonne, celle là ! Tu veux sans doute m'empêcher de corriger ce malfaisant ?

- Non, pas celui là, accuse Beltran en désignant Ramon.

Don José hausse les épaules.

- Ramon ! C'est tout ce que tu as trouvé ! Je me demande bien où tu veux en venir. Allez, laisse moi, va jouer ailleurs.

Mais Beltran marche résolument vers Ramon qui, les bras croisés, tente de prendre une mine hautaine. Don José hausse les épaules.

- Allez, répète t il, va jouer ailleurs.

- Et pourquoi pas à cache- tampon ? lance le jeune homme en saisissant vivement le poing droit de Ramon.

- Ouvre donc la main et montre à Don José ce que tu caches là ! gronde t il

Ramon proteste et n'a pas grand mal à repousser le jeune garçon.

- Montre -lui donc ! répète Beltran sans se démonter.

Intrigué autant qu'agacé, Don José finit par descendre de cheval et s'approche des jeunes gens, la cravache à la main.

- Finissons- en ! Cela devient ridicule !

- C'est aussi mon avis, rétorque Beltran. Demandez lui d'ouvrir la main.

- Sûr que vous y trouverez quelque chose d'intéressant, ajoute Domingo, je ne l'ai pas quitté de l'oeil depuis tout à l'heure, avant que le cheval s'emballe.

- Monseigneur, proteste Ramon, vous n'allez pas entrer dans le jeu de ces gamins. Ils veulent nous provoquer, c'est clair.

Don José se prend le menton entre le pouce et l'index.

- Possible, lâche t il. Mais ouvre la main.

Ramon prend un air offusqué mais, à son tour, Don José lui prend le poignet et le tord violemment. Malgré lui, Ramon ouvre la main et un petit objet pointu en tombe. Don José le ramasse et l'examine avec soin.

- Tiens, un clou. Un clou à la pointe encore humide. Du sang, je suppose ?

- Mais... monseigneur ... balbutie Ramon, livide, vous ne croyez pas...

- Je crois ce que je vois ! tonne Don José. Et ces garçons aussi ont bien vu !

Il se ait un instant, muet de rage.

- Mais pourquoi ? Pourquoi ? hurle t il

- Sans doute pour que vous réagissiez comme vous l'avez fait, déclare posément Domingo.

- Qu'est ce que tu veux dire ?  demande Don José d'un ton rogue.

- Il doit avoir un compte à régler avec Pedro mais je me suis laissé dire que Pedro ne se laisse pas faire. Ca doit être plus facile de se venger en profitant de votre colère, poursuit le jeune garçon, suave.

Don José fixe un instant Domingo puis Ramon.

- Tu...tu as osé...

Il s'étrangle de fureur et quand la cravache vengeresse s'abat de nouveau sans trêve, les cris de Ramon emplissent la rue. De son côté, Pedro s'est traîné jusqu 'à une fontaine et tente de laver ses plaies et de remettre un peu d'ordre dans sa tenue. Domingo sort un grand mouchoir, le trempe dans l'eau et lui tend avec un petit sourire timide. Pedro hésite un instant et saisit le mouchoir.

- Merci.

- Oh, y a pas de quoi. J'ai jamais pu le sentir, ce Ramon.

- Et puis, faut pas que ce soit toujours les mêmes qui prennent, ajoute Beltran.

Pedro jette un regard à Don José, enragé contre Ramon, a un petit sourire en coin, fixe un instant les jeunes gens et répète :

-Merci



02/03/2009
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