A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 38 La malédiction du soleil

CHAPITRE 38 La malédiction du soleil

- A lors, cette eau chaude, ça vient ?

- Voilà, voilà, j'arrive.

 Pedro saisit vigoureusement les deux seaux d'eau et les verse dans les grandes cuves de bois.

- A propos, tu es au courant ? demande un baigneur à un autre; ce matin, on a trouvé un mort dans le Tage.

- Un noyé ?

- Vu l'état dans lequel il est, ça fait certainement plusieurs jours qu'il joue les poissons.

- Tu l'as vu ?

- Non, mais mon beau-frère est alguazil. C’est lui qui l'a repêché.

- Belle prise ! Et sait-on qui c'est ?

- Eugenio Baza. Un bon à rien, toujours prêt à vider un verre ou à donner un coup de couteau. C'est pas une grande perte.

- Dis donc, il avait pas été aux Indes ? Il me semble qu'il avait beaucoup d'or ces derniers temps. Ca aura tenté quelqu'un.

- Tu as raison. Il avait plus un sou quand on l'a repêché. Je crois qu'il faisait partie de l'expédition de Don José.

- Ah ben, doit y en avoir au moins un qui ne portera pas le deuil. Eh, Pedro, approche !

 L'indien obéit sans tarder. Dans la chaleur des étuves, il n'a gardé que ses hauts-de-chausses et va nu-pieds.

- Tu m'appelles ?

- Approche, je te dis. Tu sais qui on a trouvé dans le Tage ? Eugenio Baza. Ca ne te rappelle rien ?

 Pedro a un sourire mauvais.

- Il n'y a pas que des mauvaises nouvelles dans la vie.

 Les baigneurs s'esclaffent.

- Au moins, c’est clair. Avoue que tu ne le portais pas dans ton coeur.

- Je l'avoue. Mais je n'avais aucune raison d'aimer cette crapule. Et si quelqu'un a jugé utile de le rayer du nombre des vivants, je ne vais pas m'en plaindre. Toujours un conquérant de moins.

- Parle pas comme ça. Les conquérants sont de grands hommes.

- Un bon conquérant est un conquérant mort.

- Ben mon vieux, continue comme ça et on saura où chercher l'assassin.

- L'or tâché de sang porte malheur, assure l'indien. Ils ont attaqué les enfants du soleil et profané son Temple. Le Soleil étend sa malédiction sur eux.

 Le ton est tellement sinistre que les baigneurs frissonnent malgré la chaleur. Le silence se fait lourd et les superstitieux se signent. L'un des baigneurs réagit.

- Balivernes que tout cela. Moi, je me méfie beaucoup plus des vivants que des morts. Tenez, Manuel est revenu hier soir. Oui, Manuel. Manuel Ortega. La main droite du Diable.

- C'est pas vrai ! Moi, quand je le vois, je fais un détour.

- T'es pas le seul !

- Il est donc si terrible ? Interroge Pedro

- Tu parles ! C'est le meilleur escrimeur de Tolède et aussi des environs.

- Tu peux même dire de toute la Castille. Il fait pas bon être son ennemi. Quand il lève un sourcil, tu peux rédiger ton testament et envoyer chercher le prêtre.

- Mais, il sait pour Juana ?

- Penses-tu ! Personne n'a osé le lui dire.

- Ca va faire du vilain.

- Sûr; ça va faire du vilain

 Pendant ce temps, le meilleur escrimeur de toute la Castille dort paisiblement dans un grand lit de bois au baldaquin dépourvu de rideaux. La pièce, de dimensions moyennes, ressemble à un long corridor assez large, percé sur les côtés de deux fenêtres dont l'un est agrémentée d'un balcon. Le mobilier en très simple, voire pauvre. Sur le sol, un tapis élimé aux couleurs défraîchies dont la trame laisse deviner la légende de Pygmalion et Galatée. Une table en bois  bancale, un peu de vaisselle, deux chaises de paille, un bout de miroir, un solide coffre de fer aux pentures tourmentées et, dans la cheminée, une marmite cabossée forment tout le mobilier. Au mur, touches de luxe détonnant dans le décor, accroché à un clou, un souple béret de velours émeraude ornée d'une aigrette blanche à boucle d'or. Et une magnifique épée d’apparat très ouvragée. Enfin, une longue épée d'acier bruni.

 Le dormeur s'agite. Il peut avoir de vingt-cinq à vingt-huit ans, la peau mate, les cheveux longs, noirs et ondulés, les lèvres charnues, le nez fin, les pommettes hautes, signe d'astuce. Ses jambes interminables dépassent du lit et sa maigreur pourrait tromper ceux qui n'ont pas encore observé ses mains nerveuses et fines. Tout en lui respire la ruse et l'énergie même si son pourpoint a dû connaître des jours meilleurs.

 Tout à coup, des coups violents sont frappés à la porte. Le dormeur se retourne. Les coups redoublent, accompagnés de cris. Le dormeur se retourne encore et finit par s'éveiller tout de bon.

- Quel est l'imbécile qui me tire d'un si joli rêve ?

 Il s'étire comme un jeune chat, baille à s'en décrocher la mâchoire et se dirige vers la porte. Il colle son oeil à une fente du bois et reconnaît le señor Doupro, son propriétaire, petit épicier ventru et rubicond, visiblement furieux.

- Que me veut donc cette vilaine bête ? murmure t- il

 Enfin, il ouvre la porte, un sourire angélique aux lèvres. Mais il n'a pas le temps d'articuler une parole.

- Manuel, il faut que tu déguerpisses au plus vite !

- Ma foi, je vais fort bien. Et vous ?

- Ce n'est pas le moment de plaisanter.  Fais tes paquets et vite !

 Le jeune homme pose la main droite sur son coeur et ouvre de grands yeux étonnés.

- Dois-je comprendre que mon retour ne vous enchante pas alors que vous avez l'immense honneur de jouir de ma clientèle ?

 Le petit homme explose.

- Ta clientèle ! Je m'en passerais bien, de ta clientèle !

 Il joint les mains et lève les yeux au ciel.

- Madre de Dios ! Pendant deux ans, j'ai eu un client, un vrai, un sérieux, un qui paye son loyer régulièrement et n'amène pas n'importe qui dans ma maison. Cet endroit était devenu respectable et il faut que tu reviennes ! Tudieu ! Tu n'aurai pas pu te faire tuer en Italie ou ailleurs ?

- Oh, señor Doupro, ne me dites pas que vous regrettez ce chattemite qui s'était installé chez moi ? Vous me décevez profondément. Savez-vous que vous me faites beaucoup de peine ?

- Sais- tu que je m'en moque absolument ? Je veux, tu m'entends, j'exige que tu déguerpisses. Ici, c'est chez moi, pas chez toi. Trouve-toi une autre tanière !

- Vous ne pourriez pas parler moins fort ? Y en a qui essaient de dormir, ici !

 Arrêté en plein élan, Doupro se tourne vers le lit d'où provient la plainte. Assis au bord du lit, le regardant avec rancune et se frottant les yeux, se tient un enfant d'une douzaine d'années, brun et bouclé.

- C'est quoi, ça ? rugit le propriétaire

- Giacomo, pour ne pas vous servir, répond l'enfant avec un sourire éblouissant.

Doupro se tourne vivement vers Manuel.

- Tu m'expliques ?

- C'est très simple. J'ai rencontré Giacomo en Italie et il m'a suivi, voilà tout.

- Et tu l'héberges ! Chez moi !

 Manuel lève les yeux au ciel.

- Cette manie qu'on les propriétaires de se croire chez eux dans les pièces qu'ils ont louées ! Le loyer devrait vous suffire !

- Loyer que tu ne payes pas !

 Manuel lui lance un regard douloureux et se signe.

- Pardonnez-lui, mon Dieu, il ne sait pas ce qu'il fait. Je vois, señor Doupro, que vous faites partie des adorateurs de Mammon. Méfiez-vous et craignez les feux de l'enfer car nul ne peut servir deux dieux, le veau d'or et Dieu !

- Tu as fini ou je m'énerve ?

- Tu me menaces, Satan ? Je te comprends; Judas a vendu le Christ pour trente deniers. A combien le señor Doupro estime t- il   son prochain ?

Manuel a haussé le ton et le gros homme commence à perdre contenance.

- Je voudrais bien savoir combien de pauvres hères vous avez dépouillés et jetés à la rue, señor Doupro, vous pour qui l'amour du prochain n'est que vaine parole. Mais de quelle goule, de quelle sorcière êtes vous le fils ?

 L'épicier n'aime pas trop qu'on fasse allusion à ses origines : Manuel en sait trop long à son goût et son regard glisse anxieusement vers la fenêtre. La rue est là, toute proche, pleine d'oreilles avides et soupçonneuses.

- Ne parle pas si fort, Manuel, je t'en prie.

 Le jeune homme lève un sourcil scandalisé.

- Quoi ! On veut m'imposer silence ? On veut clore la bouche de la vérité alors qu'il me tarde de publier votre infamie dans tout Tolède ?

 D'un pas décidé, il se dirige vers la fenêtre. Mais le gros homme le précède avec une rapidité dont Manuel ne l'aurait pas cru capable et lui tend une bourse.

- Tu veux m'acheter, Judas ? tonne le jeune homme.

- Allons, Manuel, accepte, pour l'amour de Dieu.

 Manuel le regarde un instant, soupèse la bourse rondelette, la fourre dans sa poche et grommelle :

- Et bien soit, ça va pour cette fois, mais n'y revenez pas !

L'épicier soupire et se dirige vers la porte. Il s'arrête sur le seuil et se retourne.

- Je suppose que tu vas aller voir Juana ?

- Pourquoi, c'est interdit ?

-  Oh non, bien au contraire. Tu lui souhaiteras bonjour de ma part. Cela fait un moment que je ne l'ai pas vue.

 Manuel hoche la tête et le gros homme sort. Giacomo éclate de rire et applaudit. Manuel s'incline gracieusement, la main sur le coeur, dessinant un salut avec un chapeau qu'il n'a pas.

- Félicitations. Ne pas payer son loyer, c'est une chose mais soutirer de l'argent à un propriétaire qui tient plus du rapace que de l'être humain, c'est du grand art. 

- Ce loup-garou en trouvera trois fois autant dans la poche de ses clients et de ses apprentis. Il les paye tellement mal que leurs côtes trouent leur chemise !

- Il y a quand même quelque chose qui m'échappe. Pourquoi tiens-tu tellement à ce logis ? Il n'a rien de remarquable et le propriétaire à lui tout seul me ferait fuir jusqu'aux Indes.

- Jeune oison, j'ai d'excellentes raisons. D'abord, le loyer n'en est pas trop élevé.

- D'accord.

- Ensuite, il est fort bien situé. La côte de l'Aigle se trouve à deux pas du Zocodover, c'est à dire, ignorant, du coeur et du poumon de la cité. Tout prés aussi des armuriers et maîtres d'armes, mes congénères. Enfin, j'y ai mes habitudes.

- Ca, j'ai vu. Tu as fait tellement peur à l'ancien locataire qu'il doit courir encore. A cette heure, il est au moins à Séville ! N'empêche, je ne te savais pas si routinier.

- Mon fils, retiens bien ceci : ne juge jamais avant d'avoir toutes les données en main.

 Il se dirige vers le mur opposé à la porte.

- Si je tiens tant à ce logis, c'est que j'y ai apporté quelques petites ... améliorations.

 Il appuie sur un noeud du bois et une porte s'ouvre sur un escalier en colimaçon.

- Première bonne raison. Par là, c'est les toits. Tu peux fuir à l'autre bout de Tolède sans difficulté.

 Giacomo siffle d'admiration. Manuel ouvre une autre porte très étroite.

- Celle-ci communique avec une échelle fixée au mur et qui donne sur le passage d'en dessous. C’est parfaitement invisible et permet de disparaître comme par enchantement. Évidemment, j'ai la seule clé des deux portes afin d'éviter les mauvaises surprises.

- C'est tout ?

- Pas encore. Tu vois ce baldaquin ? Il est un peu plus haut que la normale et tout en bois, comme tu le vois.

- Et alors ?

 Manuel manoeuvre un crochet et la façade s'ouvre comme une boîte. Incrédule, le jeune italien s'approche.

- Tu parles d'une cachette. Mais c'est une vraie forteresse ! C'est tout, cette fois ?

- Presque.

 Manuel repousse le tapis et avise un noeud un peu creux dans le bois du plancher. Il y passe le doigt et le soulève comme un bouchon.

- Regarde par là.

 Curieux, Giacomo obéit.

- Qu'est ce que tu vois ?

-  La rue.

-  Exactement. En dessous, c'est la rue. Je suis donc à cheval entre les deux côtés de la rue, ce qui peut toujours être utile. Et surtout, je suis toujours bien renseigné. Pour des raisons qui restent à éclaircir, tout le monde aime s'arrêter sous ce porche et discuter d'affaires plus ou moins privées, plus ou moins louches. Comme l'endroit est plutôt sombre, ils doivent s'y sentir à l'aise. Alors, suis je toujours un affreux routinier ?

 A son tour, Giacomo s'incline en mimant un salut princier.

- Je sais maintenant pourquoi la côte de l'Aigle s'appelle ainsi. C'est en ton honneur.

- Merci. Et puis, ici, j'ai de bons souvenirs.

- Juana ?

- Juana. Je t'en ai parlé ?

- Mamma mia ! Tellement que je la connais sûrement mieux que sa propre mère ! On sort ? demande -t- il en voyant le jeune homme enfiler un pourpoint et ajuster son épée.

- On sort. Il faut que j'aille voir Juana justement. Elle doit être mariée et mère de famille maintenant, ajoute t- il rêveusement. Mais avant tout, il faut que je passe chez le fripier. J'ai beau être à la dernière mode de Rome, je ne sais plus rien de celle de Tolède. Je ne voudrais pas passer pour un Béotien.

 Giacomo secoua ses boucles brunes.

- Décidément, tu ne changeras pas !

- J'ai une réputation à défendre. Il y a quelques temps, on m'appelait l'Elégant. Je tiens à le rester.

- Dans ce cas tu devrais prendre l’épée de l’Illustrissima Madama.

Manuel fait la moue.

-   Tu sais l’admiration éperdue que j’ai pour Madame Isabelle d’Este et le prix que j’attache à son cadeau…

- Cadeau fort mérité, coupe Giacomo. Tu lui as quand même sauvé la vie, à Rome.

- Soit. Mais, pour me défendre contre les malfaisants de tout poil, je préfère cette vieille amie, déclare t il en saisissant une simple épée d’acier bruni ;

 Giacomo se met à rire et suit le jeune homme qui referme soigneusement la porte.  Manuel jette à peine un regard aux magnifiques blasons de la rue de la Silleria, traverse celle de San Nicolas et la rue des Chaînes, apparemment indifférent aux réactions que suscite son retour. Mais Giacomo, lui,apprécie comme il se doit les murmures étonnés, les cris de joie, les rires et les grognements.

- Je ne te savais pas si célèbre.                                       

- Moi non plus. Je pensai qu'on m'avait oublié.

- Tu as dû laisser un souvenir très vif, comme à ton propriétaire.

Manuel sourit sans répondre. Bientôt, ils arrivent place de la Friperie. Giacomo n'a aucun mal à comprendre le nom de la place en observant que toutes les boutiques exhibent fièrement des vêtements plus ou moins défraîchis. Manuel se dirige sans hésiter vers la plus grande. En le reconnaissant, le patron a un large sourire et vient à sa rencontre. Ils tombent dans les bras l'un de l'autre.

- On m'avait dit que tu étais revenu mais je n'osai le croire. Alors c'était beau, l'Italie ?

- Magnifique. Le Jardin des Dieux. La terre natale de la Beauté. Mais Rome est assez infréquentable en ce moment.

 Le fripier baisse la voix.

- Le sac de Rome, tu y étais ?

- En plein milieu.

- Tu y as participé ?

 Le ton est horrifié et Manuel sourit.

- Ne t'affole pas. Je suis un bandit mais pas un soudard. Non. Je devais être un des rares espagnols du côté des assiégés. J'ai vu Bourbon entrer dans la ville. Mais je te raconterai tout cela plus tard. Pour l'instant, j'ai besoin d'un costume neuf.

- Neuf ?

- Nouveau, si tu préfères. Que porte-t-on à Tolède ?

- Des couleurs vives : vert, jaune, écarlate surtout pour les culottes bouffantes. Tiens, regarde.

- Ensuite ?

- Chemise fine et froncée, pourpoint brodé avec une cape à col relevé. Évidemment, ceinture ouvragée et bottes fines.

 Le fripier fourrage dans ses malles et en sort diverses tenues qu'il remet à Manuel.

- Va donc dans l'arrière salle et essaye moi ça.

 Manuel s'éloigne.

- A ce que je vois, dit Giacomo, vous vous connaissez bien.

- Manuel est l'un de mes meilleurs clients.

- Ne me dites pas qu'il paie ses dettes !

- Pas toujours, admet le fripier, pas souvent. Mais il me fait une telle publicité que je suis largement payé. Quand on m'a proposé ce costume, j'ai aussitôt pensé à lui. Il prend presque toujours du vert.

- Laissez moi deviner, l'interrompt Giacomo, c'est la couleur préférée de Juana.

 Le fripier soupire.

- Exact. Pauvre petite.

 A ce moment précis, Manuel sort de l'arrière salle.

- Comment me trouvez vous ?

- Somptueux ! Mais il te faut aussi un ceinturon convenable. Ce serait un pêché de gâcher une aussi belle tenue.

- Tu fais aussi les fourreaux ?

- Je fais tout pour le client, assure pompeusement le marchand.

 Manuel éclate de rire et s'approche pour choisir ceinturon et fourreau. Finalement, le jeune homme est bientôt habillé de pied en cap avec un goût exquis. Le fripier l'examine avec satisfaction.

- Ton béret vient de Rome ? Le velours en est superbe.

 Manuel acquiesce.

- Et cette petite médaille ?

- C'est la dernière mode à Rome. Enfin ça l'était. Chaque gentilhomme porte sur sa barrette une médaille d'or gravée d'une devise ou d'une fantaisie.

- Je peux voir ?

- Bien sûr.

 Le fripier prend le béret que lui tend son ami et examine le bijou. Il représente des feuilles de lierre avec leurs enroulements d'un si bel effet, à la manière lombarde. Sur le pourtour, on peut lire "Je meurs ou je m'attache".

- Magnifique. Tes affaires allaient donc si bien que tu aies pu t'offrir de si beaux bijoux ?

- Ma foi, cela n'allait pas trop mal. Benvenuto Cellin



24/02/2009
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