A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

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CHAPITRE 101 Domingo devient redoutable

CHAPITRE 101 Domingo devient redoutable

Quelques jour plus tard, Ana   lit tranquillement et tressaille.

- Isabel, tu n'as rien entendu ? On aurait dit une porte qui s'ouvre. La porte d'entrée.

- Je n'ai rien entendu, mais je vais voir.

 Isabel quitte la salle basse où elle prend le frais avec sa nièce, traverse le patio et se dirige vers l'entrée. La porte n'a pas été bien refermée et elle la pousse vigoureusement. Puis elle appelle

- C'est toi, Domingo ?

 Un "Ouais" peu aimable lui parvient. Elle hausse les épaules.

- Tu pourrais mieux fermer la porte !

 Un autre "Ouais" lui parvient, aussi peu amène que le premier.

- Sale gosse ! murmure- -t--elle en retournant auprès d'Ana.

 Pendant ce temps, Domingo s'efforce de son mieux d'ôter les traces de sang de son pourpoint et de façon générale de remettre un peu d'ordre dans sa tenue. Mais sa manche droite est désespérément déchirée et le coquard qu'il a à l'oeil gauche commence à bleuir. A ce moment précis, Pedro entre dans la pièce.

- Qu'est -ce qui -t-'est arrivé ?

- Je suis tombé dans l'escalier.

- Ah bon ! Moi, quand je m'étais battu, je disais que j'étais tombé d'un arbre. Évidemment, ma mère ne me croyait pas. 

- Comment tu faisais alors ? interroge le gamin.

 Pedro se met à rire.

- J'allai voir ma grand mère. Elle grondait moins fort et prenait ma défense.

 Domingo soupire.

- Je n'ai pas de grand mère.

- C'est un tort. Maintenant, si tu veux mon avis, va voir Ana. Autant affronter l'orage que rester à avoir peur.

- Je sais, je sais, admet le garçon, résigné.

  Ils se dirigent tous deux vers la salle basse. En le voyant arriver, Isabel pousse un cri d'effroi. Ana, elle, reste très calme. Trop même au goût du jeune garçon.

- Quand elle ne crie pas, c'est grave. J'aime mieux quand elle crie, souffle-t- il à Pedro amusé.

- Tu -t-'es battu ? demande la jeune femme d'un ton glacial.

- Si je te dis que je suis tombé dans l'escalier, tu me crois ?

- Non.

- Je suis tombé d'un arbre, alors.

- Ne mens pas.

 Domingo a une moue boudeuse.

- Et bien oui, je me suis battu. Et alors ?  A mon âge, il y en a qui ont déjà fait la guerre. Qu'est-ce que tu crois ? Que je vais passer toute ma vie dans tes jupes ?

- Inutile d'être insolent en plus. Tu aggraves ton cas.

- Tout le monde se bat. Tu veux que je passe pour une femmelette ?

- Je voudrais surtout savoir pourquoi tu t'es battu.

 Domingo a un geste évasif.

- Pour rien, pour des bêtises...

- Et c'est pour des bêtises que tu t'es mis dans cet état ? éclate Ana.

- Ben... Tu sais ce que c'est, on commence sur presque rien, le ton monte et quand c'est parti, on ne peut pas savoir jusqu'où ça peut aller. N'est-ce pas, Pedro ? ajoute--t- il en jetant au jeune homme un regard plein d'espoir.

- Certainement, acquiesce l'indien. Les bagarres, on sait quand ça commence, on ne sait pas quand ça finit.

- Bien sûr, tu l'approuves, remarque Ana avec aigreur.

- Disons que j'ai confiance. Le motif doit être sérieux.

- Évidemment ! proteste le garçon avec fougue.

 Mais il reste buté.

- Je parie même que tu voulais défendre quelqu'un que tu aimes beaucoup, ajoute Pedro.

- Comment le sais- tu ? demande naïvement Domingo.

- C’est très simple. Si c'était toi qu'on avait attaqué, il y a longtemps que tu nous aurais tout raconté avec toute ta verve et toute ton indignation. C'est donc de quelqu'un d'autre qu'il s'agit.

 Domingo rougit et baisse le nez, obstinément muet. Ana s'approche de lui.

- Domingo, ils parlaient de moi ?

 Le gamin triture le bas de son pourpoint et avoue :

- Oui, ils parlaient de toi. Mais je ne les ai pas laissés faire !

 Ana sourit.

- Je n'en doute pas. Mais que disaient-ils ? Il faut que je le sache. C’est peut - être important.

 Domingo rougit encore davantage.

- Ils parlaient de toi et de ... Pedro.

- Vraiment ?

- Ils disaient que tu ne devais pas t'ennuyer et que les nuits devaient être courtes !

 Il relève les yeux et la regarde avec passion.

- Ah, ils disent cela ? Si je comprends bien, tu t'es battu pour  venger l'honneur d'une dame ?

 Domingo se détend et approuve.

- Ils n'ont rien dit d'autre ? insiste Ana.

 Nouveau geste évasif.

- Mais encore ?

- Ils... ils se demandaient si un indien b... était doué ou s'il connaissait des... des trucs inédits.

 Pedro éclate de rire.

- Ils me font beaucoup d'honneur ! Qu'en penses-tu, Ana ?

- Ma foi, autant que je puisse en juger, tu es parfaitement normal. Suffisamment en tout cas pour donner du plaisir à une femme.

 Domingo ouvre de grands yeux.

- Et bien, dit Ana, ai-je fait vœu de chasteté ?

- Non, oh non, sûrement pas, balbutie--t- il

Tous éclatent de rire.

 - Évidemment, tu n'es pas obligé de leur dire mais on ne peut pas empêcher les gens de parler et de croire ce qu'ils veulent. Alors, autant leur donner raison. Ils n'en diront pas davantage.

- Et si Don José l'apprend ? demande anxieusement Isabel.

-  Don José, je m'en charge. Et puis ce serait bien la première fois qu'il considérerait Pedro comme un homme !

- N'empêche, affirme Domingo, s'ils recommencent, je recommencerai.

 Ana soupire.

- Si tu recommences... menace Ana.

- Il n'y a plus qu'une solution, coupe Pedro.

- Quoi donc, maugrée Domingo, m'enfermer dans ma chambre ?

- Non, beaucoup plus simple. T'apprendre à te battre.

- Quoi ? s’exclament- ils en choeur.

- Écoute, Ana. Tu ne veux pas qu'il se fasse amocher et lui ne veut pas cesser de se battre. Vous avez tous les deux raison. Mais il ne va pas passer à vie à fuir le danger. Que dirait-on de lui ? Et surtout quelle opinion aurait-il de lui même ? Il faut qu'il apprenne à se battre.

- Tu m'apprendrais ?

 Les yeux du jeune garçon brillent.

- Bien sûr. Mais je te préviens. Chez nous, la lutte est un sport national et l'entraînement est très dur. Et je ne sais pas comment on se bat ici.

- Tant mieux. Comme ça, tu m'apprendras des coups inédits et ils ne les verront pas venir / On commence quand ?

- Pourquoi pas tout de suite ? Dans cet état, tu ne risques pas grand chose.

- D'accord.

Puis, presque timide, il regarde Ana.

- Je peux ?

- Je crois que je n'ai pas le choix. Pedro a raison.

Les jeunes gens s'éloignent vers le fond du jardin. 

- On dirait que ce garnement s'est enfin trouvé un père, dit Isabel.

- Ou du moins un grand frère ; il était temps.



03/05/2009
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