A SUIVRE Le Voyage à l\'envers

A SUIVRE     Le  Voyage à l\'envers

CHAPITRE 0 Prologue

                                         Une heure viendra où l'on découvrira

                                         Le grand secret enfoui dans l'Océan

                                         On retrouvera la puissante île

                                         Téthys de nouveau révélera la contrée

                                         Et Thulé, désormais ne sera plus

                                         Le pays de l'extrémité de la terre

                                                                             Sénèque    Médée

                                       

                                        Leur atroce cupidité, leur inclémente hargne,

                                        Furent un crime des temps et non de l'Espagne

               Manuel José Quintana   A l'expédition espagnole pour propager la vaccination an Amérique

Un oiseau dans le désert

au haut d'une forteresse

Avait saisi dans ses serres

le crâne de Chosroés

Et il demandait toujours

à ce morceau de squelette

Où sont le chant des trompettes

et le fracas des tambours ?

De temps à un autre se lève

un qui clame : Me voici !

Il déploie monts et merveilles

le grand homme que voici !

Et quand il a réussi

sa petite affaire, un jour

La mort surgit à son tour

qui murmure : Me voici !

                                 Omar Khayyam (1048-1131)


PROLOGUE : Le départ du Serpent à Plumes

Le vieux roi est fatigué. Il jette un regard las par la fenêtre. Devant lui s'étend Atlan la Belle, sa terre   natale, qui brille d'un éclat sans égal dans ce monde qu'on n'appelle pas encore nouveau. Il soupire : les fils de la violence prennent encore une fois le dessus   et il pressent sa défaite prochaine.  Soudain il entend la porte s'ouvrir et se retourne. Un homme assez grand, très mince, au visage creusé et au regard d'aigle, s'approche de lui à grandes enjambées. Il a un petit sourire triste.

-  Tu es rentré à un bien triste moment, mon ami.

-  On m 'a dit que la guerre était imminente.

-  Ces fous sont las de vivre en paix, ils ne rêvent que de conquêtes et d'aventures… Comme si la paix n'était pas la plus belle des conquêtes…

-  Ils ont la mémoire courte. Nous avons payé assez cher la soif de conquérir.

Le roi hausse les épaules.

- Qui s'en souvient ?  La vérité, vois-tu, c'est que j'ai régné trop longtemps. Ils sont impatients de prendre le pouvoir.  Je n'ai pas de fils qui me succède et rien d'exaltant à leur offrir. Je ne suis plus rien qu'un vieillard fatigué à qui il reste juste assez de lucidité pour comprendre qu'il est temps de partir.

-  Plus rien ! s'insurge l'homme. Toi, Quetzalcoatl, le Serpent à Plumes, toi qui nous a apporté paix et prospérité ? Grâce à toi les villes sont prospères, les arts fleurissent, la population est heureuse.

Quetzalcoatl hausse les épaules.

- Au Mexique aussi, tout avait bien commencé… tu sais comment cela a fini. Ils ont réussi à me piéger, à m'enivrer et j'ai déshonoré ma propre sœur… Je ne veux jamais plus revivre ça, dussé -je m'arracher le cœur.

- Les fils de la violence t'ont trahi mais le peuple continue à t'aimer et à t'attendre.

- Ce n'est pas ce qu'ils font de mieux … Enfin, trêve de lamentations. Tu as retrouvé le sceptre ?

- Oui.

- Et où est-il ?

- Je l'ai laissé là -bas, en Espagne.   Il m'a semblé qu'une arme si puissante devait rester un mythe.  

Quetzalcoatl reste un moment silencieux.

- Tu as eu raison. Il n'est pas encore temps qu'Atlan retrouve entièrement son ancienne puissance. Je sens trop de forces contraires autour de nous.

- Cependant …

- Oui ?

- Il   me semble aussi qu'une telle puissance ne doit pas être perdue à jamais. En tant que Grand Prêtre de Posidao, je ferai le nécessaire pour qu'au jour du Grand Péril, quand les conditions seront réunies, nos descendants puissent la retrouver.

- Nos descendants… murmure Quetzalcoatl.   Espérons qu'ils seront enfants du Soleil et non de la violence…

Il rêve un instant puis se reprend.

- En tout cas, déclare-t- il, je ne verrai pas le triomphe de ces fous. J'ai tout préparé.  Je pars.

- Tu abandonnes Atlan ? 

-  C'est plutôt elle qui m'abandonne.  Mais ne crains rien, je compte tout faire dans les règles. Je ne vais pas leur faire cadeau d'une crise constitutionnelle.  Et je sais trop bien que personne ne me retiendra. Seulement…

Il hésite.

- Seulement…

- Seulement, reprend Quetzalcoatl à voix basse, j'emporte avec moi tout ce qui pourrait servir leur folie et notamment les plans et les secrets des villes et des forteresses.  

Devant la mine ébahie de son compagnon, il précise :

- Comprends-moi bien. Je ne veux pas seulement partir, je veux disparaître. Je veux qu'on ignore jusqu'au lieu de mon tombeau. Cette ville m'a trop déçu.

- Je comprends. Et je t'aiderai. Mais pense aussi à ceux qui viendront après toi. Tu es le Clair Voyant, cela t'est facile.

Quetzalcoatl sourit.

-  J'écrirai ma dernière prophétie car je sais ce que ces fous ignorent : toi et moi avons devant nous l'éternité.  Et aucune rancune, aucune folie n'est  immuable.  Alors écoute- moi bien : un jour ils auront besoin de moi et je les sauverai encore une fois. Seulement, ce sera par les mains d'une femme, d'une étrangère venue d'un peuple ennemi mais qui aura à cœur plus qu'eux le salut d'Atlan. 

- Qui donc ?

- Une étrangère aux yeux de source, la gracieuse souveraine des eaux, une dame quetzal.

A ce moment précis, un bel oiseau d'un vert resplendissant   pénètre dans la pièce   et vient se percher sur l'épaule de Quetzalcoatl qui le caresse doucement.

-  Tu sauras bien me la trouver, n'est-ce pas, mon bel ami ? demande doucement le roi.   Parmi tous ces visages de malheur, tu sauras bien dénicher l 'Elue, celle qui sauvera et Atlan et mon fils ?

La petite tête ébouriffée le fixe un instant puis un chant joyeux retentit dans la pièce. Quetzalcoatl et son ami se regardent : des images heureuses dansent devant leurs yeux et ils sourient au jeune couple enlacé au-delà des siècles.  Vénus, l'étoile double, scintille dans le ciel. Que le temps passe et que la prophétie s'accomplisse...

Des Sept Cavernes je suis venu, de la Ville aux cercles d'Emeraude. Voici ma demeure de pierres précieuses, ma demeure de plumes de Quetzal. Hélas, je dois maintenant la quitter. Qu'on façonne un coffre de pierre ! Et seul pendant quatre jours, Quetzalcoatl resta dans le coffre de pierre. Mais il ne trouvait pas le repos. C 'en est fait, dit- il, partons. Dans la Forêt Précieuse je veux m'enfoncer. Construisez mon tombeau au-dessus de ce coffre. Fermez tout, cachez ce que nous avions révélé, joie, richesses, tous nos biens. Qu'ils disparaissent aux yeux des hommes qui ont méprisé les belles fleurs odorantes, les beaux chants. Quand les fourmis auront dévoré le soleil, son fils ira de l'autre côté du monde accomplir le voyage à l'envers. La ruine menace et la lumière s'éteint. Et pourtant ce qui a été caché sera révélé : le sceptre retrouvé, bouclier d'Atlan, apportera la victoire, promesse de liberté. Le Fils du Soleil trouvera refuge à l'ombre du cactus et de la grande montagne mais il devra découvrir mon Elue : seule l'Etrangère saura retrouver mes dons de paix et retrouver mon tombeau, l'étrangère aux yeux de source, celle qu'élira le Serpent à Plumes, la dame Quetzal des eaux gracieuse souveraine. Oiseau vert et bleu qui annonce l'aurore, lumière dans l'ombre noire, elle rappellera de la mort le fils du Soleil, la fille qui vient du Jour Levant. Ses mains dénoueront une pluie de fleurs précieuses et repousseront la mort froide d'Atlan La Belle et le dieu qui soutient dans sa main et le Ciel et la Terre jamais ne s'éloignera de la Cité des Fleurs




05/12/2008
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